Quelle que soit la position dans laquelle on se trouve, commencer une histoire n’est jamais simple. J’avais en face de moi un homme, une femme, et cinq jeunes mecs, qui tous avaient l’air fort sympathiques, mais leur curiosité allait-elle suffire ?
« Si j’aime pas j’fais pas » m’a t-on averti d’emblée. Me voilà prévenue.
J’ai pris mon courage à deux mains, et je me suis lancée.

Je ne sais pas qui j’ai en face de moi. J’essaie de ne jamais juger, d’arriver sans préjugés, et de me rendre disponible aux personnes avec qui je partage un instant, ici et maintenant. Certes, je prépare mon atelier, mais on ne peut jamais se préparer soi-même. Les êtres humains sont imprévisibles, et je préférerai mourir plutôt que d’imposer un programme figé qui tuerait dans l’oeuf toute possibilité de création spontanée !

Ce groupe était composé, objectivement, surtout de garçons, entre 14 et 17 ans. Pas difficile de me souvenir ce que j’aimais à ce moment-là, je n’en suis pas bien loin ! Et surtout, ce que je n’aimais pas, à savoir les adultes qui croyaient tout savoir mieux que moi. Qui voulaient diriger ma vie, me dire ce qu’il fallait aimer, ce que je devais être, comment me comporter.

Alors j’ai cherché à leur laisser les rênes au maximum. A simplement leur montrer à quel point leurs avis, leurs corps, leurs gestes uniques étaient irremplaçables, et que dans cet espace, on en tiendrait compte.

On a fait de faux combats de sorciers, où l’on pouvait envoyer des toiles d’araignée, sortir un bazooka et cracher des boules de feux sur son adversaire.

On a crée des séquences rythmiques, que chacun devait reproduire.
On a parlé dans nos langues imaginaires. On a sculpté des images de bourreaux et de victimes.

Et à la pause, on a mangé des tartines de nutella...

Mangroves 02/11