Malgré tout, de très beaux instants. Le jeu qui consiste à raconter une histoire vraie que les autres jouent en simultané a été particulièrement drôle et intéressant. Ce jeu a l’avantage de mettre tout le monde en position d’acteurs, même celui qui raconte, puisqu’il devient alors conteur. Les autres comprennent les faits en les vivant physiquement, et cela met en évidence le décalage fréquent entre ce que l’on croit dire clairement et ce que les autres comprennent.

Nous avons aussi fait des jeux de confiance. Un premier, où le groupe est divisé en deux équipes, dont chacune doit guider une personne qui a les yeux bandés à la voix. Dans le second, un cercle très rapproché rattrape une personne au centre, qui a les yeux fermés et doit se laisser tomber.

A la fin, j’ai demandé à chacun qu’il mette quelques mots sur les ressentis après les instants que nous venions de partager. Nous nous sommes mis d’accord sur le fait que la séance précédente avait été plus légère, plus agréable, plus facile. Chacun a tenté d’exprimer pourquoi, et a comparé les jeux de la première et de la deuxième séance. J’ai ainsi pu expliquer la façon dont je construisais les ateliers : en essayant d’être le plus à l’écoute des envies, des désirs et des besoins, sans imposer une pratique figée.

Quand nous nous sommes retrouvés, avec les deux personnes de l’unité qui participent à l’atelier, nous avons évoqué la question du contact physique. J’avais proposé au début de la séance une courte séquence de massage dynamique en binôme. Nous nous sommes questionnée sur l‘effet que cela pouvait éventuellement provoquer chez des personnes victimes d’abus sexuels. Même si cela n’était pas le cas dans ce groupe, la question avait le mérite d’être posé. Un atelier théâtral, et ma pratique du mouvement encore plus, se base entièrement sur le corps, les relations de connaissance, de conscience et de confiance que l’on crée avec son propre véhicule, mais aussi celle que l’on établit avec les autres. Sans nier les trajets de vie uniques de chacun, ces jeux et exercices permettent une élaboration collective, une mise à distance, une exploration de sensations et d’émotions dans un cadre privilégié, car attentif et bienveillant.


Comment savoir clairement ce qui est libérateur et ce qui réveille des cauchemars ?
Le but d’un moment comme celui-ci, n’est-ce pas dans l’idéal un espace où la douleur a également sa place ? Puisque le corps évacue des choses dont la tête ne sait que faire ? Vaut-il mieux au contraire mettre ces problématiques de côté, au risque de les garder enfouies de peur de ne pas savoir comment les accueillir ?

Pas de réponse facile. Et en tout cas, aucune certitude. En restant extrêmement prudents, attentifs, à l’écoute, en prenant soin les uns des autres, nous faisons de notre mieux pour que cette expérience soir la plus enrichissante possible pour tous les membres de l’atelier.

Mangroves, 16/11