Comme d’habitude quand je suis angoissée, j’adopte l’attitude inverse : j’ai fait comme si j’étais très sûre de moi, et j’ai commencé.

Nous avons exploré beaucoup de choses. Nous nous sommes promené sur différents territoires, avons suivi des chemins inconnus et exploré des contrées sauvages de notre imagination.

Nous avons ainsi entamé une petite traversée des émotions, en utilisant une technique de remémoration de souvenirs. Comment ce que l’on pense transparaît sur nos visages, modifie notre démarche, le rythme de la respiration. En se souvenant de quelque chose qui nous cause une joie profonde, cette joie peut nous envahir à nouveau, et comme par magie, nous voilà illuminés.

Nous avons aussi exploré les démarches. En modifiant l’appui sur nos pieds, l’inclinaison de notre bassin, la position de la nuque, de nouveaux personnages sont arrivés. Des nains, des soldats, des dépressifs, des aristocrates snobs, des caïds se sont soudainement mis à déambuler dans la salle, prêts à se rencontrer.

Et, entre autres choses, le jeu de la statue collective, particulièrement marquant. Par petit groupe de deux ou trois, une première personne se met dans une position et se fige, immobile. Une deuxième, qui peut tourner autour de la statue, imagine comment il peut s’ajouter pour enrichir l’action proposée, puis s’intègre. S’il y’a une troisième personne, elle applique le même raisonnement, et une fois intégré c’est la première personne qui se libère et doit ainsi recréer une image à partir de ce que les autres ont ajouté.

Cet exercice est particulièrement difficile : il met en jeu une forme d’intelligence active, à savoir la capacité que nous avons à comprendre des signes, à les interpréter puis à imaginer une suite logique. Mais également une forme d’intelligence qui fait appel au ressenti, au langage non-verbal, aux gestes inconscients que l’on produit et qui, à notre insu, raconte une histoire.

Ainsi, je m’allonge au sol, sans savoir pourquoi. Est-ce que je dors ? Si l’autre prend ma main comme pour m’aider à me relever, je deviens alors une personne à secourir. Si une troisième pose sa main sur l’épaule de celui qui m’aide, comme pour le calmer, alors celui-ci devient celui qui m’a mis à terre, et non plus mon sauveur ! Et de fil en aiguille, on construit une histoire collective, sans avoir eu la moindre concertation au préalable.

A la fin, certain.es ont exprimé une fatigue, qui a été qualifié de bonne fatigue. L’atelier avait permis à la plupart d’apprendre à mieux se connaître, de découvrir des aspects complètement neufs de personnes qu’ils croisent pourtant tous les jours. J’ai tenu à leur dire à quel point j’étais impressionnée par leurs capacités, la façon dont ils s’étaient dépassés, et le plaisir que j’avais pris à les voir rire et offrir ainsi tant d’eux-mêmes. Et l’on s’est dit, à la semaine prochaine...

Pins, 16/11.

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