Le printemps noir est en marche...

En 1984, le capitaine Thomas Sankara prend le pouvoir et tente de redonner au peuple sa dignité. Il renomme le pays, la Haute Volta devient Burkina Faso (qui signifie le pays des hommes intègres), il abolit les privilèges de la classe gouvernante, redonne aux femmes leur place dans la société, il stimule toute la population à construire une vraie démocratie dans le pays et affirme sa position auprès des dirigeants internationaux en exigeant par exemple l’annulation de la dette contractée durant la colonisation. En 1987, Blaise Compaoré, son collaborateur et “ami”, orchestre l’assassinat de Thomas Sankara et prend la tête du pays. Après 27 ans de pouvoir, les conditions de vie n’ont guère évolué. La population n’a pas accès aux choses les plus élémentaires, électricité, eau, éducation et soins de santé… Le pays reste l’un des plus pauvres du monde. Pourtant, gouvernements et multinationales occidentales n’ont aucun scrupule à le piller.

Ce 21 octobre 2014 Blaise Compaoré annonce son souhait de modifier la constitution pour se présenter aux élections de 2015... pour un cinquième mandat.

C’en est trop pour la jeune population (dont 60% a moins de 25 ans). Elle décide de reprendre les rênes de son existence. Le 27 octobre, plusieurs centaines de femmes manifestent dans la capitale. Le 28 octobre, ce sont plusieurs centaines de milliers de manifestants qui se mobilisent. Ils scandent “Blaise dégage !” dans les rues de Ouagadougou, le même slogan que “Ben Ali dégage !” qui résonnait dans les rues de Tunis lors du “Printemps arabe” en 2011. Le mouvement de protestation burkinabé s’inscrit dans cette continuité et se donne d’ailleurs l’appellation de “Printemps noir”.

Le 31 octobre, le dictateur Blaise Compaoré donne sa démission et fuit le pays. Il veut se rendre au Ghana (son fief militaire) mais des manifestants l’y attendent. C’est alors qu’un hélicoptère français (France-Afrique) et puis un avion français (France à fric) viennent à son secours et le conduisent en Côte d’Ivoire. N’étant pas le bienvenu, c’est au Maroc qu’il trouve refuge mais pour combien de temps ? ATTAC et CADTM Maroc demandent de mettre le président Compaoré à la disposition de la justice burkinabèe pour qu’il réponde de ses actes de corruption et pour que justice soit faite sur l’assassinat de Thomas Sankara.

Isaac Zida, le Premier ministre intérimaire du Burkina Faso n’a pas pu moins faire que de demander aussi cette extradition.

Cette révolution ne s’arrête pas aux frontières du Burkina Faso et montre l’exemple à l’ensemble des pays africains. Le président béninois Yayi Bonni vient d’abandonner l’idée de se représenter pour un troisième mandat. Au Togo, la mobilisation est dans la rue et à l’assemblée nationale pour empêcher leur président de s’éterniser au pouvoir. Le Gabon aussi s’organise et au Tchad la société civile crée le collectif « Trop c’est Trop ». Qu’en sera-t-il du Burundi, du Congo, de la République Démocratique du Congo et du Rwanda où les présidents dictateurs ont eux aussi décidé de changer à leur guise les lois pour satisfaire leur avidité de pouvoir ?

Nous saluons le courage des Burkinabés, le ventre bien souvent vide, mais la justice sociale au coeur, ils montrent l’exemple au peuple du monde entier et prouvent que rien n’arrête une mobilisation populaire et massive.

Prenons-en de la graine.