La troupe du Préau

"On va tous crever, disait l’artisse..."
Tandis que "La vie est une maladie mortelle" poursuit son bonhomme
de chemin avec de nouvelles représentations à l’horizon, la troupe
prépare la suite. Avec un groupe qui s’est élargi. Et bien sûr, sur un
autre thème que la santé. Oui, mais lequel ?! Au retour des vacances,
chacun a vidé son sac et mis sur la table ses idées ou ses constats
souvent amers : "Des migrants continuent à mourir dans la mer, des
femmes, à être violées par leur mari", "La grosse vache (sic) a encore
augmenté le prix de certains médicaments !", "Cet été, on a volé un
paquet de riz chez ma voisine. Faut vraiment avoir faim pour faire
cela...".
Oui, le monde actuel est souvent déprimant. Et à l’heure où la forêt
amazonienne flambe, où la fonte des glaces gonfle les océans en
même temps que l’eau potable se raréfie dramatiquement, à l’heure où
le GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) assure
qu’il ne nous reste que dix-huit mois pour redresser la barque, il faut
désormais se poser la question : les jours de notre monde souvent
déprimant sont-ils comptés ? "Au feu les pompiers, ma terre brûle",
comme l’a écrit l’un d’entre nous.
Mais alors que notre petite assemblée s’enfonçait dans un pessimisme
démobilisateur, quelqu’un s’est soudain souvenu d’une chanson de
Môrice Benin, à l’humour aussi ravageur que salutaire, et aux paroles
prémonitoires. En 1974, quand l’écologie n’était pas encore sur toutes
les lèvres, Môrice Benin clamait : "On va tous crever, disait l’artisse. Ah,
mais non, non, dirent les saucisses ! (...) J’aime pas les voitures, ça sent
mauvais. N’arrête pas le progrès, dit la publicité (...) Dans le cadre du
développement industriel, humain, technique, le porte-parole du
gouvernement annonce la construction de prochaines centrales
thermonucléaires...". Et ce matin-là, nous avons repris bien fort en
chœur : "On va tous crever, disait l’artisse. Ah, mais non, non, dirent les
saucisses !".
Autour de la table, cette chanson en a réveillé une autre, de la même
époque, moins contestatrice mais tout aussi "verdoyante" : "Merde que
ma ville est belle sans ces putains de camions. Plus de gasoil mais du
gazon jusque sur le goudron. Merde que ma ville est belle. Avec ces
gosses qui jouent, qui rigolent et qui cassent tout, qui n’ont plus peur du
loup ! Et l’eau c’est vraiment de l’eau. Que l’on peut boire au creux des
ruisseaux...".
Les sourires sont revenus sur nos lèvres, de l’adrénaline dans notre
sang, du tonus dans nos têtes. Et si à notre tour, nous faisions notre
"big bazar", nous changions tout, nous repeignions le monde dans des
couleurs plus belles ? Et si nous imaginions un avenir différent que celui
qu’on nous prédit et qui n’a rien de jojo ? Et si en flirtant avec l’utopie,
nous parvenions à planter quelques petites graines dans les
consciences, pour que l’inéluctable ne se produise pas ?
Titre provisoire : "Une autre fin du monde est possible". En accord avec
Môrice Benin : "On va tous chanter, disait l’artisse. Mais oui, oui, dirent
les saucisses !".