La participation du public sera décisive pour construire ensemble le savoir collectif sur le réchauffement climatique, un état des lieux, les perspectives, les solutions à imaginer... Ce soir, au théâtre, ce sera un peu comme dans la vraie vie !

Les comédiens se tiendront prêts à intervenir à tout instant pour illustrer le propos, apporter des éclairages factuels, scientifiques, sans oublier de relâcher la pression, et détendre l’atmosphère !

Voir l’article dans Le Progrès

Ce que nous avons créé ;

Samedi 8 août 2015 - Saint Polgues

Le public est captif, et vient d’assister à une conférence.
PRÉAMBULE
Les comédiens sont présents dès la fin de la conférence dans l’espace bar.
Un scientifique “allumé” tourne dans la salle pour présenter une expérience de nuage dans une bouteille, faisant référence à la conférence donnée auparavant.
Deux comédiennes extraverties abusent de l’apéro et jouent la familiarité avec le public.
Un comédien joue la sécurité.
Deux comédiennes disparaissent soudain prétextant une tache plausible (dans le cas de Saint Polgues : s’occuper des pintades).

SCHÉMA GLOBAL
Deux comédiens sortent de leur “rôle” pour devenir animateur. En suscitant la participation du public, ils font émerger le savoir collectif sur le sujet du réchauffement climatique.
Les autres comédiens sont à l’écoute pour jaillir selon les interventions du public avec des scènes adéquates, ou des blagues, préparées à l’avance ou improvisées.

ENTRÉE
Celui qui jouait la sécurité devient le présentateur / animateur / joker.
Il présente les autres comme une bande de bras cassés dégotés in extremis au Pôle Emploi de Roanne. Les deux absentes surgissent au moment où l’une des autres est partie les chercher.
Explication foireuse, basée sur la vérité et impliquant directement des personnes du public.
La plus gênée de toutes est chargée d’énoncer le titre du spectacle. Sketch sur la gêne.

SKETCHS EN MAGASIN
La partie Artistique du spectacle
Une comédienne s’essaie au chant lyrique (la discipline de l’autre groupe qui est en résidence à St Polgues)

Effet de serre
A. Serre les fesses
B. Un spectateur est placé sous une bâche de plastique transparent, style serre. On lui demande périodiquement s’il constate un réchauffement.

Voiture / pétrole
A. Pendant que certains s’interrogent sur la possibilité pour tout le monde d’avoir une voiture privée, d’autres continuent à s’amuser à des jeux bien étranges.
Les présentatrices invitent le public à imiter le bruit des F1.
Une course de formule 1 style les 24h du Mans oppose 4 comédiens.
Les tables de l’espace cabaret deviennent les voitures, le public bruite les moteurs.
Les gagnants remportent le dernier baril de pétrole
B. On sort des coulisses les uns après les autres en bruitant un moteur, deux comédiens s’associent pour former un poids lourds. Illustration de l’encombrement de l’espace et des comportements typiques des automobilistes (compétition, insultes, etc )

Black out
La lumière s’éteint.
Putain, j’ai 16 pintades au congélo !
On va les cuisiner.
Mais merde, on peut pas ! (tout électrique)
Allume un peu la télé pour voir ce qui se passe.
T’es con, la télé marche pas sans électricité.
J’appelle EDF, merde y’a pas de tonalité, la ligne est coupée.
Prends la voiture pour aller chercher le groupe électrogène chez Mamie
Heureusement qu’on a pas une voiture électrique !
Putain, on peut pas sortir, le volet est électrique !

Mais, non, c’était pour de faux :)
On rallume la lumière.

Catastrophe Une voyante à plusieurs tête traverse le cabaret sur un chariot tiré par un gnome. Elle déclame (à plusieurs voix puis tour à tour) :
L’époque que nous vivons est marquée par le spectre d’un effondrement. Système alimentaire. Système digestif. Système D. Système énergétique. Système capillaire. Système respiratoire. système logiciel. Système d’exploitation. Système atique. Système hic.

Réactions face à la catastrophe Le présentateur amène le public à choisir son camp, il introduit une galerie de réactions possibles :
çavapétistes : bien fait pour ces connards d’humains
àquoibonnistes : foutu pour foutu, autant profiter du temps qui nous reste.
chacunsamerdistes : l’homme est un loup pour l’homme. Je mets en place une stratégie pour me sauver moi, et ma famille.
transitionneurs : stratégies collectives
jusqu’auboutistes : Faisons confiance à la technologie, à la recherche, à l’industrie pour nous sortir de là et/ou climato-sceptiques.
Voir le détail des profils en annexe.

Montée des eaux
Jeu des chaises avec le public. Les Seychelles.
Les chaises sont la propriété privée de chacun mais certains sont plus proches du front de mer que d’autres. La table est le penthouse de l’hotel le plus luxueux de l’ile. Cette suite royale n’est pas accessible à toutes les bourses…
La mer monte.
Les présentateurs enlèvent des chaises.
La sécurité empêche de monter sur les tables.
Les autres comédiens poussent à la transgression.
Le public est sur les tables, le sol de la salle est jonché de chaises retournées.

Fin

Saint Polgues, été 2015
Une expérience de théâtre action

Constitution du collectif Improvise ton futur

L’élargissement
Florence Lauzier (ATTAC Paris) donne les coordonnées du Théâtre Croquemitaine à Romain. Le contact porte ses fruits. Le Théâtre Croquemitaine s’investit dans la réflexion en amont de la résidence à Saint Polgues, dans la définition des objectifs, relaye localement ce projet extérieur en vue de constituer une mobilisation à Tournai sur le même enjeu, pour se renforcer mutuellement.
Résidence à Saint Polgues

Contexte
La population de Saint Polgues est composée principalement d’agriculteurs et d’artisans, en partie à la retraite. Le canton (?) vote à 44% Front National, sur la Commune la proportion est de 20%.

Le maire développe depuis son élection une certaine horizontalité. Éducateur spécialisé de formation, il a aussi été arbitre de football. Pour contribuer à éponger les dettes colossales laissées par son prédécesseur, les indemnités des élus sont intégralement reversées à la Commune.

En élargissant un peu la zone observée, on trouve une industrie qui a achevé son déclin, des mines de charbon, une mine d’uranium qui n’est plus exploitée et des riverains qui luttent pour une réhabilitation du site (taux de radioactivité élevés), un port sur la Loire, un tracé de chemin de fer qui n’est plus exploité, la proximité de la N7 historiquement la route des vacances, qui déversait tout au long de l’été un flot de vacanciers en goguette, avant l’avènement de l’autoroute.

Protagonistes
Les artistes lyriques en résidence
Henri Farge ou le châtelain
Alexia Pingaud ou la mezzo-soprano
Nathalie ou l’autre mezzo-soprano
Valentin ou le ténor
Jean Marie ou le présentateur
Les dames du mercredi

Le village
Dominique ou Monsieur le Maire
Cathy ou la patronne du bistrot
Jean Pierre ou la presse locale
Jean Paul
Jean Louis
Basile ou le militaire retraité écrivain
Les Fauré ou le lumpen proletariat
Francis
Odette
Patou le maçon
Thomas l’apprenti

Nous
Romain
Alex
Aka
Fleur
Tommy
Marcel
Roxane

Installation
Aménagements
Romain, Alex et Aka arrivent à Saint Polgues le 29 juillet 2015. Le lieu d’hébergement mis à notre disposition est également le lieu de travail des chanteuses lyriques. L’état du bâtiment nécessite un gros travail de rangement, nettoyage et aménagement pour qu’il soit habitable.
Chaque matin, l’équipe théâtre propose une séance d’échauffement à l’équipe chant lyrique.

Le 31/07, Romain nous écrit “juste pour vous dire que nous sommes bien arrivées à saint-polgues, que nous préparons votre venue, que les choses sont plutôt intenses”.

Le 3/08, Romain Aka et Alex écrivent “J’espère que vous serez en forme en arrivant, y’a plein de choses dont il faut qu’on discute !”
Premier accroc

Régulation

Soirée débat
Fleur, Tommy, Marcel et Roxane arrivent le 4 août 2015 en début de soirée. Au bistrot du village, Alex Romain et Aka ont pris en charge une animation de porteurs de parole sur la question : comment voyez vous votre futur dans 150 ans ?
Les réponses de chacun sont affichées, elles serviront dans le travail de création.
La soirée se poursuit dans la salle polyvalente de la Mairie avec une animation de type éducation populaire proposée par Aka et Romain.
Question clivante : Être écolo c’est que pour les bobos.
Les participants se séparent en deux pôles dans la salle. Chacun peut alors intervenir pour défendre son point de vue sur la question avec un argument, et intervenir une fois pour réponde à un argument du camp opposé.
Débat mouvant
Pensez vous que l’état et les multinationales nous traitent comme du bétail ?
Saint Polgues c’était mieux avant, du temps des 17 hôtels et des 4 cafés.

Le travail de création
Préalables
Les derniers arrivés prennent connaissance de ce qu’ils ont loupé. Une première discussion tourne autour de la définition des objectifs généraux du collectif, et des objectifs de la rencontre. Nous nous rappelons qu’il ne faut pas perdre de vue la COP21 en décembre, que les enjeux de la représentation à Saint Polgues sont limités, nous en profiterons pour prendre des risques.
Le public cible de la création sera monsieur et madame Tout-le-monde, c’est à dire pas les militants, convaincus de l’urgence climatique, et en lutte pour la justice sociale et climatique. Et plus spécifiquement : les opprimés, ceux qui souffrent de l’injustice sociale, et qui soufreraient plus particulièrement d’un effondrement des systèmes qui reposent sur l’exploitation des ressources fossiles (dépendance à l’industrie agro-alimentaire, à la grande distribution, salariat...).
La culture commune des membres du collectif permet de se mettre d’accord sur le principe de la participation du public, de l’humour, de nous garder d’une attitude de donneur de leçon.
Par contre nous ne sommes pas égaux vis à vis de la capacité à improviser, et le groupe nouvellement constitué manque de cohésion et d’écoute. La nécessité d’une trame et de personnages prédéfinis s’impose.
Création
Nous étalons une longue série de mots clefs, alimentés entre autres par les réponses de Saint Polgues à la question “comment voyez vous votre futur dans 150 ans ?”. Sur les mots clefs les plus susceptibles de ressortir de la discussion avec le public, nous construisons des sketchs, des blagues.
Nous adoptons une structure de spectacle où la trame est flottante. Elle repose sur les interactions entre les présentateurs et le public, les autres comédiens se tenant prêts à intervenir sur les mots-clefs, en s’appuyant sur ce qui a été préparé, ou en improvisant.
Nous choisissons une disposition de la salle en cabaret, et sans espace scénique identifié. Les codes du théâtre seront cassés, mis à part une poignée de sketchs classiques, il sera difficile de juger du caractère réel ou fictif de nos interventions.
Essais
Nous filons à deux reprises, le vendredi avec un public de 5 personnes : Tommy et 4 amis de Fleur..
Les retours permettent quelques ajustements. Nous avons conscience que les conditions du réel ne peuvent être testées, beaucoup de choses seront entre les mains du public, et nous ignorons le nombre de personnes qui seront présentes.

La représentation
Préambule
Conférence
Spectacle
Les retours
Le soir même
Les réactions positives affluent, les personnes du village que nous avons côtoyées viennent se manifester pour rire encore un peu avec nous.
Le Maire déclare s’être attendu à subir beaucoup plus de provocations de notre part. Il a l’air presque déçu ! Il se réjouit que des gens soient venus de villages alentours et qu’en diffusant leurs récit de cette soirée, ils contribueront à élargir le public des évènements culturels à Saint Polgues.
Nous recevons une invitation à renouveler l’expérience de résidence de création dans la région.
Les échanges avec des personnes du public se poursuivent jusque tard dans la nuit. Et nous clôturons entre nous par une évaluation globalement positive, avec pour bémol l’excès de bordel qui n’avait pas été anticipé.

Samedi 8 août à 18 heures, la salle des fêtes communale abritera une conférence sur le réchauffement climatique et un spectacle de théâtre.
Marie Farge, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), de renommée internationale, animera une conférence sur ce thème, suivie d’un spectacle d’improvisation théâtrale. Les comédiens de la troupe internationale « Improvise ton futur » inviteront le public à venir échanger avec eux à l’occasion de leur résidence à la salle des fêtes du village.
Perspectives pour le collectif

La trame construite à Saint Polgues peut être adaptée pour la rue. La banque de sketchs peut être enrichie, et la structure est assez souple pour intégrer de nouveaux comédiens.

ANNEXES
Classification collapsologiste

http://www.collapsologie.fr/?page_id=136 consulté le 13 août 2015.
Extrait de Comment tout peut s’effondrer Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes Pablo Servigne, Raphaël Stevens (Seuil, 2015), p. 228-231 :
Les réactions « çavapétistes » (« ça va péter ») sont fréquentes chez les personnes qui se sentent impuissantes face à la destruction de notre monde, et qui, à cause de cela ou pour une autre raison, ont développé un certain ressentiment, voire une colère, envers la société. « Un effondrement ? Bien fait ! Cette société est tellement pourrie… Moi je dis : vivement l’effondrement ! ». Mais outre le fait que cette attitude dévoile un imaginaire de la catastrophe très sombre, nihiliste même, elle ne permet pas de savoir précisément si la personne imagine aussi sa propre mort, ou si elle se voit parmi les survivants contemplant le déclin de la cité du haut de la colline qui la surplombe, et savourant une vengeance bien méritée. Inutile de préciser que cette attitude est relativement toxique pour l’organisation politique et sociale en temps de catastrophe…
Les réactions « aquoibonnistes » (« à quoi bon ? ») sont extrêmement fréquentes. Car puisque c’est la fin de tout, alors pourquoi continuer à se tuer à la tâche ! « Foutu pour foutu, profitons de ce qui nous reste ! ». Mais attention, dans ce genre de réaction, on peut distinguer deux tendances, qui jouent sur l’ambiguité du mot « profiter ». Il y a le sympathique —mais égoïste— épicurien tendance Rabelais qui finirait bien le reste de sa vie au bistrot, en riant et en savourant les derniers plaisirs de la vie ; et il y a « l’enfoiré » celui pour qui profiter se conjugue au détriment des autres. On brûle un maximum d’essence, on consomme, on saccage une dernière fois avant de partir.
Les « survivalistes » ou « preppers » (« chacun sa merde ») sont de plus en plus nombreux dans le monde. Personne n’a échappé à un reportage ou un documentaires sur ces individus qui se barricadent, s’enferment, s’enterrent dans des bunkers et stockent des quantités impressionnantes d’armes et de produits de première nécessité. Quand ils n’apprennent pas le tir à l’arc à leurs enfants, ils s’entrainent à reconnaitre les plantes sauvages comestibles ou à s’informer sur les techniques de purification de l’eau. Ils se préparent à la violence, en croyant que les autres (les voisins ? les envahisseurs ?) réagiront comme eux le feraient probablement, violemment. L’imaginaire qui sous-tend cette posture est nourri par les films comme Mad Max ou les films de zombies, et une croyance que l’être humain est profondément mauvais. « Tout seul, on va plus vite » pourrait être leur devise.
Les transitionneurs (« on est tous dans le même bateau ») sont quant à eux bien souvent non-violents (probablement qu’ils se croient incapables de l’être) et ont un esprit collectiviste. Ils appellent à une « transition » à grande échelle car pour eux, la vie n’a plus de sens si le reste du monde s’effondre. Alors, plutôt qu’un repli sur soi, ils pratiquent l’ouverture et l’inclusion, convaincus que l’avenir se trouve plus dans les écovillages, et les réseaux d’entraide entre initiatives de transition. « Ensemble, on va plus loin » pourrait être leur devise.
Les collapsologues se découvrent une passion pour ce sujet dont personne ne parle et qui donne un sens à leur vie. Étudier, partager, écrire, communiquer, comprendre devient progressivement une activité chronophage, que l’on peut estimer à la fréquence et la longueur des livres publiés, ou des articles et commentaires postés sur les blogs et les sites consacrés à la question. Curieusement, ces « geeks du collapse », dont les plus célèbres sont surnommés les « collapseniks », sont souvent des ingénieurs… et des hommes. C’est d’ailleurs, à en croire un vétéran, un facteur fréquent de rupture chez les couples, puisque lorsque la femme ne voit dans l’effondrement qu’un sujet de conversation parmi d’autres (et qu’elle demande à son mari de ne pas aborder ce sujet en famille ou devant ses copines), le mari, lui, commence à préparer le bunker ou à participer à des réunions interminables de transition… Clichés mis à part, le clivage homme-femme se constate très bien dans le public profane, les hommes ayant bien plus tendance à débattre de chiffres, de faits et de technique (par exemple autour de l’énergie) que les femmes, qui abordent plus facilement les aspects émotionnels et spirituels de la question (en tout cas publiquement).
Dans le monde réel, qui est toujours bien plus complexe, certaines personnes peuvent sentir une appartenance à plusieurs catégories. Par exemple, en tant que collapsologue, il est difficile de ne pas s’engager dans des actions d’anticipation, voire même, comme quelques uns, souhaiter qu’un effondrement arrive rapidement pour éviter des trop grandes conséquences climatiques (voir à la fin de ce chapitre), se former à la récolte de plante sauvages comestibles, tout en ayant la conviction que la coopération est la seule porte de sortie possible…