par Eric Rouxhet

Sur place, nous (surtout les autres) garnissons quatre tables de vêtements et d’objets hétéroclites. Il y a même un assortiment de perruques à faire pâlir la collection de scalps d’un chef indien.
Puis commencent les impros. Se déguiser en vitesse puis surgir de derrière le paravent et jouer. Je fouille : que des vêtements de femme et beaucoup trop petits. Je me décide à faire le Gaulois. Comme j’ai la tête plus fine que la taille, je coiffe une paire de collants en dentelles en guise de tresses et la surmonte d’une perruque qui hirsute jusqu’à mon regard. Mais sur la scène, je dois maintenant rejoindre une fille qui désespère de trouver l’âme sœur. Zut, le Gaulois va tomber comme un cheveu dans la soupe. En vitesse, je rabats les tresses de moitié : j’ai maintenant les oreilles d’un chien qui s’invite à devenir le plus fidèle compagnon de l’éplorée. Les espérances de la belle et de la bête ne vont évidemment pas concorder et c’est parti pour un méli-mélo qu’un troisième personnage viendra tenter d’apaiser !
Devant la débauche de possibilités de déguisements, je suis comme un gamin obligé de choisir dans la vitrine d’un magasin de jouets un minute avant la fermeture : que prendre et pour jouer à quoi et avec qui ?
Les scènes les plus réussies se feront finalement à l’aide d’un modeste cintre en plastique, de trois roses fanées, d’une tapette à mouches ou d’une veste pendue. La devise du clown ne serait-t-elle pas « Qui a le moins peut le plus » ?
Assuré du regard bienveillant de tous et encouragé par la précédente tentative d’un camarade, je teste des scènes qui me sont venues à l’esprit depuis les stages précédents. C’est fou que ce qui se déroule sans anicroches dans la tête connaisse tant de couacs sur le plateau ! L’histoire la plus simple voit son déroulement contrarié par de multiples « détails » : la longueur des déplacements où la scène se révèle plus exigüe que le cerveau, l’objet convoité devenu ridiculement accessible et même le pourquoi de sa présence sur scène comme tombé du ciel. Sans parler des gestes eux-mêmes qui ne sont infaillibles qu’en imagination. Ce n’est qu’au moment où ces multiples obstacles seront résolus qu’ils se feront oublier du public et permettront au clown de se mouvoir en toute fantaisie. Et c’est encore plus compliqué quand on essaie à deux, à trois. Il y a encore du boulot !
« Bien travailler, bien s’amuser » : voilà bien la seule devise patronale que je reprendrais à mon compte.
(A.Brancart au fronton de la salle des fêtes à Fauquez))

Eric