Ceux qui se congratulent, ont pour premier, voire unique, motif de réjouissance l’existence même d’un accord, son universalité. Michel Colombier directeur scientifique de l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) considère que les pays du Sud ont permis l’accord, en s’engageant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre avant les pays historiquement responsables du réchauffement climatique. Il se réjouit de l’accord en ce qu’il dépasse les crispations et donne un espoir de changement. Mais il rejoint les nombreux commentateurs qui dénoncent l’insuffisance de l’accord. De Greenpeace au Guardian en passant par le CNCD11.11.11, Mediapart ou Bastamag, tous s’accordent pour dire que l’accord ne répond pas à la gravité des enjeux.

Organiser dès maintenant un monde sans énergie fossile ? Il n’en est pas question.
Loin s’en faut, Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace : « Tel que l’accord se présente, si vous voulez investir dans une nouvelle mine de charbon, le texte ne donne quasiment aucun élément pour vous persuader de ranger votre portefeuille ». Le texte appelle à trouver un équilibre entre les émissions et le stockage. Le stockage ? On peut continuer à abattre les forets tropicales pour cultiver des agro-carburants, du soja transgénique et des palmiers à huile : tant que ça pousse, ça stocke.
Dans Médiapart, Jade Lindgaard écrit que « les principaux chefs d’État et de gouvernements au Bourget : Barack Obama, Xi-Jinping, Angela Merkel, Justin Trudeau, le nouveau premier ministre canadien, ont tous assuré que les énergies renouvelables et les services de protection de la nature constituaient un nouvel eldorado financier et un réservoir de croissance. C’est une vision capitaliste, pro-business, qui ne se soucie pas à priori de justice climatique et d’inégalités environnementales ».
Corporate Europe Observatory dénonce la position de l’UE, qui s’était engagée dans un document interne à éviter « toute mention explicite du commerce », de même que toute mention des questions de propriété intellectuelle. Maxime Combes en conclue que « la priorité est au commerce, et non au climat ».

On pourrait se féliciter qu’il soit fait mention de la limite de 2°C de réchauffement à ne pas dépasser, mais l’accord est flou sur les moyens, diaphane sur les contraintes. Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris à ce jour nous conduisent à un réchauffement de plus de 3°C, ce qui est absolument catastrophique. Le premier rendez-vous de 2023 semble trop tardif quand on sait que la trajectoire des émissions pour les dix prochaines années est décisive pour la suite.
« Si on attend plusieurs années pour revoir ces objectifs, nous sommes dans le couloir de la mort », analyse Hindou Ibrahim, de l’Association des femmes des peules autochtones du Tchad, un pays particulièrement frappé par les dérèglements climatiques.
Pour May Boeve (350.org) il est possible de tirer un avantage du manque de précision du texte : « C’est la pression des gens qui réduira l’écart entre ce qui a été signé au Bourget et l’action dont nous avons besoin. »
Véronique Rigot du CNCD prévient : « l’union européenne devra revoir ses ambitions à la hausse par l’adoption d’une directive de mise en œuvre de l’Accord. L’Accord de Paris sera ce que nos décideurs politiques en feront, il sera surtout ce qu’en exigeront les citoyens ».