Mais nous se sommes pas là pour ça ! Une seule nouvelle personne aujourd’hui, tous les autres en sont au moins à leur deuxième fois. Les premiers exercices sont connus, les règles sont désormais intégrées, et la dynamique est fluide. Chacun.e découvre ce qu’il.elle préfère faire.

Ce matin, travail sur les émotions ! On marche dans l’espace, chacun pour soi, concentré sur sa propre respiration, en essayant d’être le plus neutre possible. Ce qui bien sûr est impossible ! L’important est surtout de ne pas chercher à exprimer quelque chose consciemment. On se rencontre, d’un signe de tête, de main, les yeux dans les yeux. On se regarde pour de vrai.

Et puis, un état. On pense, on se souvient, on se remémore les sensations physiques. Quelqu’un, quelque chose, qui nous a vraiment rendu furieux, heureux, désespéré. Comment cela modifie notre démarche, son rythme et la longueur de nos pas. La façon dont on regarde les autres, ce que deviennent nos mains, le son de la respiration.

Entre chaque état, on "redescend" vers le neutre. Pour calmer, gommer les traces, pour se souvenir que l’on joue, que le corps est une base, un outil modelable à volonté.

Après avoir exploré quelques émotions, j’ai demandé à deux personnes de rester sur le plateau, chacune avec un état défini et aux autres de s’asseoir et de constituer le public. Un très bon exercice pour développer l’observation, détecter les signes qu’envoient les personnes sur le plateau avant même qu’elles aient commencé à construire une histoire consciemment.

Dans toutes les impros qui ont suivies, la parole est sortie toute seule. Une femme reprochait à son compagnon d’avoir perdu tout l’argent du ménage en pariant sur du football, avant de se jurer mutuellement qu’ils s’aimaient. Une autre annonçait à un homme, qui était pour certains son père, pour d’autres un voisin, qu’elle avait rencontré l’homme de sa vie deux jours plus tôt et qu’ils allaient se marier. Un homme, plutôt content, tentait vainement de remonter le moral à une femme abattue.

C’est ainsi que l’on a pu observer le phénomène de la contagion. Comme il est difficile de rester dans l’état que l’on s’est choisi, parce que nous sommes de vrais éponges, et que notre sensibilité nous fait souvent fonctionner en miroirs. Nous laissons les émotions de l’autre déteindre sur notre propre humeur. Ce qui est tout à fait valable dans la vie ! Qui n’a jamais fait l’expérience de se laisser emporter par la colère de quelqu’un alors que l’on s’était promis de rester maître de soi ! Ou encore de pleurer au cinéma devant une scène d’adieu ! C’est la capacité d’empathie.

Par extension, cela indique que le corps peut précéder l’esprit. Si l’on crée un état émotionnel, au premier abord de façon artificielle, le corps envoie des signaux au mental qui se calque sur ce que le corps ressent. L’auto-persuasion, ou la faculté de faire croire à son esprit que l’on va bien, en conditionnant son corps dans un état de bien-être... Avec un peu d’entraînement, la chose devrait être possible !

Nous nous sommes retrouvés, à un moment, dans une impro où une des comédiennes s’est mis à raconter sa propre histoire. Il a fallu trouver un moyen de théâtraliser, de mettre de la distance, pour s’éloigner de la confidence et permettre aux spectateurs de regarder sans se sentir voyeuristes. Sans interrompre la scène, j’ai envoyé discrètement un autre comédien s’intégrer dans le moment et jouer l’amoureux possessif dont il était question dans la discussion. A chaque nouvel élément, je proposais à une nouvelle personne du public de venir enrichir la scène, ajoutant ses propres contradictions, créant ainsi un joyeux brouhaha, où l’on parlait de jalousie, d’équilibre entre vie sociale et couple, de dépendance à l’alcool, de plaisir, d’amitié, bref ! Un beau moment, chaotique, extrêmement riche, où les personnes ont montré une étonnante capacité d’écoute et d’imagination.

Malgré le caractère mouvant de cet atelier, on sent qu’un groupe est en train de se former. Que les quelques personnes qui sont là à chaque fois portent la mémoire de la semaine précédente, et que la création collective vient s’enrichir à chaque fois de ce nouveau moment.

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